Gémenos (Bouches-du-Rhône), correspondance pour l'Humanité
Quoi de mieux pour lancer une rentrée sociale combative que de se retrouver entre camarades de lutte sur les lieux hautement symboliques d’une victoire ouvrière ? Secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez a appuyé vendredi sur le bouton pour lancer officiellement la production de thés et d’infusions de la Scop TI, à Gémenos, près de Marseille. Cette Scop a pris la succession d’Unilever à la tête de cette ultramoderne usine que la multinationale souhaite fermer, un site de production sauvé après 1 336 jours de lutte.
Vêtu d’une charlotte et d’une blouse blanche de travail, le leader syndical a longuement visité dans un bruit assourdissant ce site devenu emblématique et dont les ex-salariés ont pu sauvegarder les machines et l’outil de production grâce au soutien des collectivités locales.
Et les coopérateurs apprécient cette visite. « Toutes les structures de la CGT ont été partie prenante à notre conflit, nous n’y serions jamais arrivés tout seuls, rappelle Gérard Cazorla, ex-responsable du comité d’entreprise et désormais président de la Scop TI. C’est bien normal que le secrétaire général du syndicat donne symboliquement le coup d’envoi du redémarrage. »
« La victoire contre Unilever au terme d’une lutte aussi longue est fantastique pour tout le mouvement ouvrier et a désormais une aura nationale, confirme Éric Chesnais, secrétaire de la CGT des Bouches-du-Rhône. C’est quand on est uni qu’on y arrive. »
L’impressionnante qualité et le savoir-faire des salariés
Des représentants de plusieurs entreprises locales ou services publics en lutte (hôpitaux, Total La Mède, Grands Moulins Maurel) avaient d’ailleurs fait le déplacement pour saluer ce redémarrage, obtenu après l’accord de fin de conflit signé en mai dernier.
Sur les chaînes à peine relancées, les boîtes de différentes couleurs selon les parfums s’alignent avant de partir vers les expéditions. « Je suis impressionné par la qualité et le savoir-faire des salariés dans une usine de pointe. Relancer la production est une victoire, celle des salariés de Fralib avec l’appui de toute la CGT, qui fait la démonstration de la justesse de ce que dit notre syndicat depuis plusieurs années sur le devenir de l’industrie française, explique, sous un grand soleil et sur fond de chant de cigales, Philippe Martinez. Quand on donne moins aux actionnaires, nous sommes capables de produire. Cette usine est le symbole que l’industrie française a de l’avenir. À travers une entreprise comme celle-là, au moment où l’on parle de circuits courts, on peut créer des emplois en amont chez les producteurs. »
Rappelant les deux journées de mobilisation de la rentrée, Philippe Martinez a rendu hommage à la combativité des ex-Fralib, aujourd’hui coopérateurs chez Scop TI. « Cette Scop est le produit d’une bataille. On n’en serait pas là, un redémarrage de la production, si Unilever n’avait pas voulu fermer ce site. Au moment où le patronat est de plus en plus gourmand et bénéficie de complicités politiques avec les courbettes du gouvernement au Medef, je rends un hommage aux Fralib et à leurs 1 336 jours de lutte, avec tous les sacrifices que cela a comportés, salue le secrétaire général de la CGT. Ils sont exemplaires, je ne connais aucune victoire de salariés qui a eu lieu en proposant simplement un beau projet. »
Philippe Martinez a également profité de sa visite pour dénoncer les mots d’Emmanuel Macron sur les 35 heures prononcés la veille, devant l’université d’été du Medef, sans en avoir été surpris. « Ce n’est même pas une provocation, c’est la ligne de conduite du gouvernement et le Medef applaudit, a commenté le secrétaire général de la CGT, rappelant que sa centrale milite pour les 32 heures hebdomadaires. Le gouvernement est dans une politique contre laquelle il faut se battre, sinon le nombre de chômeurs va augmenter tous les mois. »
Car la Scop TI n’est pas qu’une victoire symbolique, elle est l’exemple vivant d’une autre manière d’aborder l’économie, une économie sociale et solidaire rendue possible par l’absence du poids d’actionnaires voraces. Misant sur la qualité et le bio, la Scop a déjà créé 27 emplois, tous en CDI à 35 heures, et en espère trois de plus d’ici à la fin de l’année. La marque 1 336 devrait gagner les étalages de la grande distribution d’ici à la fin du mois de septembre. L’usine va également produire des infusions de marques de distributeurs. La marque bio Scop TI sera, elle, vendue dans des magasins spécialisés. La première année devrait connaître une production de 250 tonnes, un chiffre qui, dans l’absolu, pourrait atteindre 6 000 tonnes par an, pour un chiffre d’affaires d’un peu moins de 3 millions d’euros.
« Nous sommes en contact, grâce au conseil général du Val-de-Marne, avec des producteurs vietnamiens de thé vert qui cultivent des théiers centenaires. Pour les infusions, nous privilégions les circuits courts, explique Olivier Leberquier, ex-délégué CGT et aujourd’hui directeur général délégué de la Scop. Nous achetons par exemple notre tilleul à Buis-les-Baronnies, à une centaine de kilomètres d’ici. Mais si, il y a trente ans, la France produisait environ 500 tonnes de tilleul, ce n’est plus que 10 à 15 tonnes aujourd’hui. Ici comme ailleurs, c’est le résultat des choix d’approvisionnement faits par les grands groupes. »