Ethnomusicologue, enseignante à Paris-VIII, Giovanna Marini a connu les plus grands intellectuels italiens de son temps et œuvrait à diffuser le répertoire de la musique populaire de son pays.
Un matin, nous nous sommes levés et la belle Giovanna Marini nous a dit « ciao ! » À tout jamais. Connue en France pour son interprétation de « Bella Ciao » dans l’album « Chansons du peuple d’Italie » chez Harmonia mundi, cette musicienne italienne s’est éteinte, mercredi à Rome à l’âge de 87 ans. Surnommée la « Joan Baez italienne », enseignante à Paris-VIII, cette compositrice, communiste et chrétienne a fondé l’École populaire de musique de Testaccio, située dans un quartier de Rome. Une première du genre.
Lors des commémorations de la Révolution française piazza Navona à Rome, le 14 juillet 1989, elle est remarquée par sa mise en chanson de la Déclaration universelle des droits de l’homme, mêlée grâce à deux autres solistes au Dialogue sur la loi du drame d’Antigone. À des siècles d’écart, le pouvoir doit être limité devant des droits imprescriptibles.
Une Bella Ciao en choeur
Pour la « camarade avec une guitare », la musique ne se chante pas en solo, mais en chœur. Pour son interprétation de Bella Ciao, elle modifie un peu les paroles et convoque la participation des « mondine », ces femmes qui cueillaient le riz dans le delta du Pô au début du XXe siècle. Pour elle, la musique est politique.
Elle exhume et interprète au cours de sa carrière les chants anarchistes, socialistes, communistes, pacifiques. Grâce à elle, la complainte d’une femme qui voit son amoureux partir en expédition militaire en Albanie pendant la Première guerre mondiale, retrouve son public à un moment où les migrants albanais arrivent sur les côtes italiennes. Le martyre des anarchistes Sacco et Vanzetti, condamnés à morts aux États-Unis, est célébré.
Avec Francesco De Gregorio, elle chante, au milieu des années 2000, « l’attentat contre Togliatti », le secrétaire du Parti communiste italien dans les années 1940 et 1950. Et elle met en musique le livre du grand Pier Paolo Pasolini, les Cendres de Gramsci, en hommage au fondateur du PCI. Elle a connu les intellectuels les plus importants de son époque, comme Italo Calvino ou Dario Fo. Avec d’autres chanteurs, comme Ivan De la Mea, elle participe à l’aventure du Nuovo Canzoniere popolare qui popularise nombre d’œuvres tombées dans l’oubli.
« Nous la remercions pour une vie chantée toujours du côté des classes populaires et des idéaux de justice et de liberté », a salué Maurizio Acerbo, secrétaire du Parti de la refondation communiste. Elle était une habituée des cérémonies du 25 avril, date de la libération de l’Italie, où même âgée, elle poussait la chansonnette avec son école de musique. Lors de l’édition 2009, elle invitait depuis la scène le public de Gênes à participer : « Ceux qui la savent, nous voulons chanter l’internationale ? » En chœur !