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Marc Lavoine : son nouveau album

De l’électro-symphonique, c’est la promesse du nouvel opus du chanteur et acteur, à l’occasion des 40 ans de son premier grand succès, les fameux Yeux revolver.

Marc Lavoine a choisi, pour cet album anniversaire, de réorchestrer 14 de ses grands tubes, du Pont Mirabeau à Paris, en passant par Chère amie ou Qu’est-ce que t’es belle. Il y a ajouté quatre inédits, à la mélancolie assumée.

L’artiste, qui n’a jamais caché ses sympathies à gauche, était heureux de recevoir l’Humanité. Il en a profité pour annoncer la sortie, en janvier 2025, d’un livre consacré à sa mère disparue, Quand arrivent les chevaux (Fayard).

Votre nouvel album s’appelle Revolver, comme votre fameuse chanson les Yeux revolver, qui a quasiment 40 ans…

J’ai démarré en 1980 avec la série Pause café, réalisée par Serge Leroy, un communiste. Ma carrière a vraiment décollé avec les Yeux revolver, en 1985. C’est grâce à cette chanson que j’ai rencontré le public. Et maintenant, des filles de 17 ans la reprennent. Une chanson peut traverser le temps.

Cet album est donc un hommage à vos débuts ?

Pour les 40 ans des Yeux revolver, mon manager, Frédéric Domenech, m’a suggéré de marquer le coup. Il a eu l’idée de réinterpréter certains titres avec un orchestre symphonique. Mais j’étais un peu frileux : beaucoup d’artistes ont fait cette démarche et cela risquait de donner un coup de vieux à mes chansons, de les plonger dans la naphtaline.

Mais il avait des arguments. Et je me suis souvenu que j’avais enregistré la chanson Parking des anges en 1985 avec le Royal Philharmonic Orchestra de Londres. Jean-François Berger, avec qui je travaille depuis longtemps, a tout réécrit et, franchement, le résultat est plutôt pas mal. Je suis allé à Sofia, en Bulgarie, pour enregistrer.

Cette chanson m’a été inspirée par ma mère, et elle me surprend tous les jours. Ma mère me disait tout le temps : « Si tu avais des revolvers à la place des yeux, je serais déjà morte. » Et elle est morte. Je l’ai quittée des yeux et elle est morte.

Votre mère dit beaucoup de vous ?

J’ai toujours été entouré de femmes. Avec les femmes qui m’ont élevé, je faisais de la couture, du ménage. Elles s’occupaient de la maison, elles travaillaient, elles abattaient un boulot de dingue. Alors que mon père rentrait en clamant : « J’ai fait une réunion, je suis crevé, file-moi un whisky ! »

Il y avait une limite à son combat. Ma mère, je porte encore son deuil. Perdre une maison, je n’en ai rien à faire. C’est une libération d’une certaine façon, parce qu’on est possédé par ce qu’on possède. Mais perdre quelqu’un, à chaque fois, ça me fait beaucoup de peine, et pendant longtemps. Et cet album, j’ai voulu le faire pour elle.

Votre album est symphonique, mais aussi électro. Et vous avez même travaillé avec une rappeuse britannique, Speech Debelle. D’où vous vient cette passion pour le rap ?

Ma première épouse (Denise Pascale, décédée en 2017 – NDLR), que j’ai connue quand j’avais 17 ans, était noire américaine. Avant moi, elle était mariée à Tommie Smith, un athlète américain sur 200 mètres qui, aux jeux Olympiques de Mexico, en 1969, avait protesté contre les discriminations des Noirs aux États-Unis en levant un poing ganté de noir sur le podium.

l a été interdit de JO à vie. Il a fichu sa carrière en l’air, mais c’était plus fort que lui, plus grand que lui. Moi, je sortais de ma famille communiste et du foot, je commençais dans le théâtre : je comprenais cette dimension de la force du collectif. Et je tombe sur une femme dont le mari a pris ce risque fou. Elle m’a fait découvrir le rap. Rakim, Digital Underground et toute la planète d’Oakland n’étaient pas spécialement connus en France.

J’ai adoré. Puis le rap a changé et c’est devenu « bouteilles de champagne et Mercedes », donc un peu ennuyeux. Depuis quelques années, il renaît, avec des chanteurs comme Josman et Dinos. J’ai donc proposé à mon directeur artistique chez Barclay de réaliser une chanson, Leni, avec une rappeuse. J’ai écrit le texte en anglais, et Speech Debelle est venue à Paris.

« Tous les jours, je me dis que j’ai quand même de la chance d’avoir Catherine, Véronique Sanson, Souad Massi… Elles »

Elle était un peu inquiète, parce qu’elle trouvait la chanson trop poétique. Je lui ai répondu que Leonard Cohen ou Neil Young ou même certains rappeurs sont très poétiques. Elle l’a chantée avec sourire et bonheur, sur un titre pourtant triste au départ.

Vous avez toujours beaucoup chanté en duo, particulièrement avec des femmes, et on retrouve certains de ces succès sur cet album, avec Catherine Ringer et Souad Massi. D’où vous vient ce goût des duos ?

C’est bien de travailler avec des femmes. Catherine Ringer, avec Qu’est-ce que t’es belle, m’a encore fait un cadeau. Cette chanson nous a liés. Je ne suis pas son meilleur ami, ce n’est pas le propos. Tous les jours, je me dis que j’ai quand même de la chance d’avoir Catherine, Véronique Sanson, Souad Massi… Elles m’ont choisi comme je les ai choisies. Ces femmes ont une autorité naturelle, elles dégagent quelque chose de très sain.

Cet album compte aussi quatre inédits, à la tonalité très triste. Pourquoi ?

Je me suis vraiment posé la question : Pourrais-je dire encore je t’aime ? La mort et la vie, on ne sait pas ce que c’est. Mais entre les deux, qu’est-ce qu’on peut faire, à part aimer ?

Vous reprenez aussi C’est ça la France, que vous aviez écrite en 1996 en réaction à une phrase de Jean-Marie Le Pen. A-t-elle toujours ce même écho, en 2024 ?

J’ai écrit la chanson à l’époque parce que je ne reconnaissais pas la France. Mais c’est drôle, parce que des gens de droite adorent cette chanson. Politiquement, jamais je ne donnerai une leçon à quelqu’un. Je ne vais pas dire « c’est lui qui a tort » ou « résiste ».

Mes chansons ne sont jamais militantes. Les gens sont intelligents et vont voter où ils veulent. J’ai eu la chance de rencontrer Daniel Cordier. Ce type venait de l’Action française, il était antisémite à la base. Et en entendant Pétain à la radio, ça l’a rendu dingue, il est devenu résistant. Pour moi, c’est un exemple, parce que ce n’est pas une relique du temps passé : c’est un mec de demain, un mec d’aujourd’hui. J’aurais aimé être comme lui, avoir son courage.

Caroline Constant, l'Humanité

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