Les Malgaches pleurent leur reine du Salegy. Dimanche 19 novembre, la chanteuse originaire de Nosy Be, s’est éteinte à l’âge de 56 ans, dans le nord de l’île, sur la route entre Nosy Be et Diego. Gravement malade, elle est décédée au cours de son évacuation sanitaire qui devait lui permettre de quitter la prison de l’île aux Parfums pour rejoindre le centre hospitalier de Diego.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Elle était une icône dans un genre musical dominé traditionnellement par les hommes. Sa renommée, Ninie Donia la doit notamment à son verbe. Elle est la première à avoir chanté des textes engagés, pour la cause des femmes. « C’était une féministe engagée, qui avait cette particularité de ne pas rabaisser les hommes, mais de rehausser les femmes » explique son ami, Cerveau Kotoson, professeur d’art et culture à l’Université de Diego Suarez, qui lui avait rendu visite il y a cinq mois.
« Pour elle, l’homme, c'est l’homme, mais ce n’est pas pour autant que les femmes devaient être moins considérées, moins valorisées et valeureuses. Il a toujours été question que la femme s’émancipe et trouve ses propres moyens de subsistance, de sauvegarder son propre patrimoine. Elle était aussi dans cette optique de dire aux femmes qu’à un moment donné, il faut savoir dire non, on arrête les frais, savoir dire stop [aux hommes] », ajoute-t-il à propos de celle qui purgeait une peine de 19 mois.
« Protéger des communautés locales »
Ces dernières années, l’artiste avait également usé de sa notoriété pour défendre les plus démunis en menant un ultime combat qui l’a mené droit en prison. Elle avait été condamnée pour atteinte à la sûreté de l’État et trouble à l’ordre public après avoir mené des manifestations pour dénoncer l’accaparement des terres dans l’archipel.
Soutien des citoyens et paysans dans la défense de leurs terres et ressources naturelles, « l’artiste Ninie Donia a été emprisonnée parce qu’elle a mené différentes actions pour protéger des communautés locales de Nosy Be contre l’accaparement de leurs terres contre de riches Malgaches et des karana, c'est-à-dire des opérateurs économiques d’origine indo-pakistanaise. Ninie Donia s’est impliquée dans la défense des habitants, dans le conflit foncier qui les a opposés à la société sucrière Sirama », explique Mamy Rakotondrainibe, présidente du Collectif Tany, pour la défense des terres malgaches.
Outre les hommages qui inondent les réseaux sociaux depuis dimanche, de nombreuses voix s’élèvent aussi pour critiquer le pouvoir en place, accusé de l’avoir mise en prison parce que ses prises de position dérangeaient les intérêts économiques de certains.