Chimène Badi : Je n’oublierai jamais d’où je viens. Ce qui se passe en France me révolte aussi (10/08/2025)
Chanteuse à voix qui cumule 20 ans de carrière depuis ses débuts dans Pop Star. Entretien avec une femme accomplie qui n’a pas eu un parcours facile.
La Marseillaise : Ce n’est pas la première fois que vous proposez des concerts gratuits dans les villes du Sud pendant la période estivale. En quoi c’est important pour vous ces dates ?
Chimène Badi : Parce que c’est accessible au plus grand nombre. J’ai bien conscience qu’il y a des gens qui n’ont pas forcément les moyens de se déplacer, d’aller dans les grandes villes pour voir un artiste qu’ils apprécient ou en découvrir de nouveaux. J’aime l’idée d’aller à leur rencontre, de leur faire passer un moment sympa et qui plus est d’en passer un moi aussi. C’est un moment de partage et j’ai l’impression que je sers à quelque chose, c’est agréable à vivre. Sans oublier que c’est de la scène et la scène ça ne se refuse pas, parce que j’aime ça par-dessus. Donc c’est aussi l’occasion pour moi de prendre du plaisir et d’en donner.
C’est important pour vous de garder les pieds sur terre et de rester consciente de la réalité de la société ?
C.B. : C’est d’abord pour moi essentiel mais surtout c’est naturel. ça fait partie de ma personnalité. Je n’ai pas oublié d’où je viens et je me souviens que plus jeune mes parents n’avaient pas les moyens de m’emmener voir des spectacles alors que c’était ce que j’aimais par-dessus tout... J’ai donc toujours eu cette lucidité-là et effectivement aujourd’hui celui qui ne voit pas ce qu’il se passe c’est qu’il fait semblant de ne pas le voir. On peut être que conscient qu’aujourd’hui c’est dur pour les Français, notamment pour payer pour des concerts, la culture, c’est compliqué. C’est une triste réalité c’est pour ça que c’est important pour moi que chacun puisse vivre une parenthèse enchantée quels que soient ses moyens.
Vous êtes également sur scène avec votre tournée Gospel and soul, la voix et l’âme, d’où est venue l’envie de faire une suite au premier album sorti il y a 13 ans ?
C.B. : C’est venu assez naturellement, j’étais sur un nouvel album hommage à Edith Piaf. J’ai repris Les trois cloches avec le chœur gospel qui m’accompagne sur scène, on a tourné un clip et c’est à ce moment-là que j’ai eu l’envie de reprendre Gospel and soul parce que ça me manquait. Mais cette fois-ci je voulais des chansons inédites. Je n’avais pas envie de faire que des reprises, pour moi c’était le moment de me raconter. C’est un projet qui s’est imposé à moi grâce à des moments de vie.
Justement, dans cet album du même nom il y a une chanson qui s’appelle Une et mille femmes, où vous chantez l’importance de la sororité, pourquoi ce thème ?
C.B. : ça représente mon début de carrière où j’étais jugée plus sur ce que je représentais que sur ce que je proposais. Je parle aussi de certaines femmes qui ont croisé mon chemin et qui n’ont pas été bienveillante. Alors on avance, on essaie de sortir de tout ça, mais malheureusement, pardonnez-moi le terme, on croise encore des connasses. Désormais je suis très à l’aise avec ce que je suis, ce que je représente. Une femme a plein de choses à dire et ça passe aussi par son physique, parfois je grossis, etc. et c’est comme ça, c’est la vie. J’aime dire à une femme à quel point elle est belle, talentueuse... Je rêve d’un monde où les femmes peuvent se tendre la main. C’est important de défendre ce sujet, parce que c’est normal de s’aimer et ça fait du bien c’est tout.
Vous parlez aussi du harcèlement que vous avez vécu à l’école. ça fait 20 ans que votre carrière a commencé, que diriez-vous à celle que vous étiez en sortant de Pop Star ?
C.B. : Je lui dirais que ça va être les montagnes russes, qu’elle va vivre des moments fous dans le bon comme dans le mauvais sens. Mais surtout, je lui dirais de serrer les dents et de croire en elle parce qu’elle va être elle-même et vivre de jolies choses.
Et à une personne qui subit du harcèlement ?
C.B. : Quoi qu’il advienne il faut toujours garder confiance car c’est la seule chose qui peut vous permettre de tenir et d’aller au bout de ce que vous voulez être. Accepter qui l’on est c’est la base, moi j’ai galéré, je rêvais de chanter mais quand je suis rentrée dans ce milieu ça n’a pas été simple alors je ne disais peut-être que si je fais si ou ça, ce sera mieux mais c’était une erreur. Rester authentique et vrai c’est la clé alors c’est facile à dire mais je sais que si on m’avait parlé comme ça quand j’étais jeune ça m’aurait beaucoup aidée.
Vous parliez justement de la situation compliquée en France, quel regard portez-vous sur la situation politique en France et dans le monde ?
C.B. : J’ai le cœur brisé. Je ne comprends pas qu’en 2025 on puisse laisser des gens détruire un peuple, l’affamer et lui faire vivre les pires atrocités. Je n’arriverai jamais à comprendre que ça puisse être encore possible aujourd’hui ce n’est pas qu’à Gaza que ça se passe malheureusement. Je ne vous cache pas qu’il y a des moments où la colère prend le dessus et j’ai d’ailleurs écrit la chanson Au nom de qui que je chante dans tous mes spectacles parce que c’est important pour moi d’en parler malgré tout.
Ce qui se passe en France me révolte aussi j’estime que le peuple français donne tout et fait tout pour s’en sortir mais qu’il ne s’en sort pas. Je trouve qu’on lui en demande trop et que tout cela est injustifié. On est dans un pays absolument magnifique et les gens ne peuvent même plus en profiter ni profiter des avantages qu’il puisse y avoir, ils sont abattus et ils subissent. Il y a beaucoup de colère, de tristesse et d’incompréhension en moi. Mon impuissance me fait mal.
16:55 | Tags : chimène badi, chanteuse | Lien permanent | Commentaires (0)