Marianne Faithfull : dame de grâce (31/01/2025)
Le rock vient de perdre sa Marraine. Quand certains l’ont adossée à ses illustres rencontres masculines, Faithfull s’est bâtie en femme libre une carrière de rock star à toute épreuve.
Il est des destins qui réhabilitent les mots. Celui de Marianne Faithfull fut en dehors du commun, intemporelle étoile filante. La guerre est à peine terminée et l’Angleterre panse ses plaies. Ne reste encore que le labeur et la sueur pour reconstruire un pays mis à plat.
C’est dans ce contexte que Marian Evelyn Gabriel Faithfull pousse ses premiers cris. Nous sommes le 29 décembre 1946 à Londres. L’idylle entre ses parents est fraîche et se conclura sept plus tard. Robert Glynn Faithfull est officier et agent de renseignements. Espion au service de la couronne britannique. Eva von Sacher Masoch est baronne sous l’empire austro-hongrois.
Danseuse de ballet, elle fréquente Bertolt Brecht et Kurt Weil et devient « Mishling », métis ou sang mêlé, en raison d’une mère juive et d’un père non juif selon l’arbitraire hitlérien. Elle assiste à la libération par l’armée soviétique et la tragédie intime du viol. Faithfull est en mission. Ils tombent amoureux et s’établissent en Angleterre.
Les années soixante décisives
Marianne est née. Elle mène auprès de ses parents une vie calme. Le divorce la conduira à Reading (Angleterre). Les religieuses font les leçons et Marianne découvre le théâtre puis la musique. Elle rejoindra le Progress Theatre. À l’adolescence, elle puise dans le répertoire de la musique populaire pour égrainer les bars et jouer du chapeau. Les années 1960 débute et la jeunesse anglaise goûte au consumérisme.
En 1963, à peine âgé de 17 ans, elle fait la rencontre d’un jeune étudiant de Cambridge, John Dumbar. Le couple joue à la bohème et mène la vie d’artiste. Ce qui deviendra le Swinging London se met en place. Elle en deviendra l’égérie.
L’année 1964 est décisive. Dumbar et Faithfull tombent sur Andrew Oldham, le manager des Rolling Stones qui tombe sous le charme de la belle androgyne. Persuadé de son talent, il lui confie As tears go by, chanson écrite par Mick Jagger et Keith Richards. Faithfull, pour son premier essai, rencontre le succès. Son deuxième essai Blowin’in the Wind est un échec. Le 45 tour suivant Come and stay with me sera son plus grand succès.
La « British Invasion » débute. Beatles, Rolling Stones, Faithfull sont les fers de lance de la nouvelle musique britannique qui part à l’assaut des États-Unis. En 1965, le jeune couple se marie. Dumbar est désormais artiste et possède sa galerie d’art. Marianne suit sa route. Au printemps, elle part en tournée avec les Kinks, découvre The Mannish Boys, de David Jones, le futur David Bowie.
« Je n’ai pas eu le temps ni l’opportunité de vivre une vie de jeune fille normale »
Elle fréquente Francis Bacon, Burroughs. Bob Dylan et Jimi Hendrix lui font une cour assidue. Et bien sûr, il y a encore et toujours les Rolling Stones. Brian Jones et Keith Richards en premier lieu. Cette année-là, elle sortira deux albums Come My Way et l’éponyme Marianne Faithfull. L’égérie se rapproche toujours davantage de Jagger au point de quitter le foyer pour s’établir avec le meneur des Stones.
« Je n’ai pas eu le temps ni l’opportunité de vivre une vie de jeune fille normale. À dix-huit ans, j’étais numéro un, ma photo publiée partout, et je n’étais jamais allée à aucune boum », confiera-t-elle en 1981. Durant cinq ans, elle initie Jagger à la littérature ; Jagger l’initie aux drogues.
Le couple incarne à leur insu ou de plein gré l’image sulfureuse du rock. Faithfull se voit apposer l’image de femme sauvage. En 1982, elle avouera : « Il y a quinze ans, personne n’avait la moindre idée de l’importance énorme qu’allait prendre la drogue. On ne se rendait pas compte que tant de gens allaient prendre pour paroles d’évangile ces positions absurdes, infantiles, immatures, sur le LSD et la marijuana. » Elle passera cinq années avec Jagger. Une infidélité du chanteur aura raison de leur histoire tourmentée.
La descente sera rude pour Faithfull. Elle délaisse la musique. La drogue, les tentatives de suicide prennent le pas. Sister Morphine est censurée pour immoralité. Faithfull vit à l’aube des années 1970 dans la rue, traîne son ombre dans les squats. Il faudra attendre 1977, quelques cures de désintoxication et l’avènement du punk pour que la Marraine du rock remonte la pente.
Sa voix gardera les stigmates de ses excès. La rédemption de l’artiste arrivera à l’aube des années 1990 et par les planches. « Les gens aiment nous mettre dans des cases. D’abord j’étais la gentille petite pop star et puis je suis devenue une sorte de putain, c’était horrible. Mais je n’ai rien dit et j’ai attendu », écrit-elle pudiquement dans sa biographie Faithfull en 1994.
Également comédienne, elle renoue avec le théâtre et l’opéra par l’adaptation scénique d’auteurs importants aux yeux de sa mère, Brecht et Weil. De l’un, elle reprendra l’Opéra de quat’sous ; de l’autre elle sortira en 1998 The Seven Deadly Sins en disque. Les années 2000 marqueront la résurrection. Faithfull a su trouver une paix qui lui correspondait davantage et tourne définitivement la page des sixties.
Il convient de réécouter parmi ses dernières productions tel Vagabonds Ways en 1999 ou Give my love to London en 2014. Faithfull enchaîne les collaborations de prestige avec Daho, Roger Waters, Mark Lanegan, PJ Harvey ou Billy Corgan. Damon Albarn ou Jarvis se mettent au service de la Marraine. Nick Cave sera le plus fidèle. L’Australien participe aux quatre derniers albums. « Negative Capability » est le dernier. « Le plus honnête », disait-elle. Avec recul, ce disque marque le temps qui s’écoule mas s’inscrit peut-être comme le plus fidèle.
11:32 | Tags : marianne faithfull | Lien permanent | Commentaires (0)