Le mois dernier, nous vous dressions un portrait de Grup Yorum et vous expliquions les raisons de cet acharnement judiciaire et politique.
Lire > Grup Yorum : « Soyez un cri pour mon cri »
Créé en 1985 par quatre étudiants en réaction au coup d’État militaire survenu cinq ans plus tôt, Grup Yorum place son art au service des « peuples opprimés de Turquie et d’ailleurs », milite pour les droits et les libertés. À cette époque, la junte militaire veut faire régner l’ordre et réprime brutalement l’ensemble de la gauche turque. Socialiste, anti-impérialiste et internationaliste, Grup Yorum chante la catastrophe minière de Soma (2), les exactions commises par les forces de sécurité ou la dure réalité des classes populaires. Les membres sont de toutes les manifestations démocratiques, de toutes les occupations. Pour dénoncer la répression culturelle envers les minorités, les paroles sont écrites en kurde, en arabe ou en circassien. En trente-cinq ans, Grup Yorum a vu défiler 70 musicien·nes, enregistré 23 albums et ouvert ses portes à près de 3.000 choristes. Son objectif : « Décloisonner l’art monopolisé par les classes bourgeoises ». Sans limite, il expérimente tout ce qui peut l’être : des chants traditionnels à la symphonie en passant par des compositions folk, rock ou hip-hop. Mais ce qui symbolise surtout Grup Yorum depuis la fin des années 1980, c’est son esprit de résistance aux gouvernements successifs. Force de l’opposition, Grup Yorum, c’est aussi des centaines de procès, des dizaines d’arrestations aussi violentes qu’arbitraires et de constantes campagnes de décrédibilisation.
En février, dans le cadre de cet article, nous avions pu nous entretenir avec Ibrahim Gökçek, qui venait d’être libéré pour raisons médicales, et placé en résidence surveillée à Istanbul. Le bassiste de Grup Yorum nous expliquait alors les raisons d’une telle décision, celle d’entamer un « jeûne de la mort » :
Prendre cette décision n’a pas été si difficile au vu de ce que nous vivons chaque jour. Nos instruments et notre musique sont systématiquement détruits. Nos concerts interdits. Nos noms inscrits sur des listes terroristes, et nous sommes emprisonné·es. Tant de choses se sont passées. De grandes injustices. Bien sûr, depuis le début, nous voulons vivre. Mais parfois, en Turquie, il faut être prêt à mourir pour se tenir débout.
Lorsque Grup Yorum a été créé, la Turquie était réduite au silence. Nous avons chanté contre les injustices et nous nous battons encore aujourd’hui pour montrer l’évidence. Nous ne nous battons pas seulement pour nous, mais pour tous les peuples de Turquie. Et je sais que, s’il devait nous arriver quelque chose, à Helin ou à moi, la résistance ne prendrait pas fin.
Affaibli, Ibrahim entame aujourd’hui son 291e jour de grève de la faim.
Les revendications des membres de Grup Yorum :
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l’arrêt des descentes policières contre le centre culturel d’Idil, dans le quartier d’Okmeydanı, à Istanbul, perquisitionné plus de 10 fois au cours de ces deux dernières années.
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l’arrêt des interdictions de concerts en cours depuis près de trois ans.
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l’abandon total des poursuites intentées contre les membres de Grup Yorum.
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la libération des membres encore incarcéré·es.
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le retrait des noms des membres de Grup Yorum des listes terroristes.
(1) Le DHKP-C revendique des attentats ciblés, notamment contre des policiers, des responsables politiques et militaires.
(2) Le 13 mai 2014, plus de 300 personnes meurent dans un incendie déclaré dans la mine de Soma, où les conditions de sécurité n’avaient pas été respectées. La catastrophe a engendré des appels à la grève de quatre syndicats professionnels et de nombreuses manifestations contre le pouvoir, déjà aux mains de l’AKP.