Ana Tijoux, chanteuse rappeuse, et citoyenne politique Franco-Chilienne (09/08/2017)

Rencontre

Un bijou de l'Amérique latine et une découverte qui vaut le détour. Ana Tijoux est née à Lille en 1977, alors que ses parents avaient fui la dictature militaire en place au Chili, depuis le coup d'État du 11 septembre 1973, à Valparaíso.

Ana Mária Merino Tijoux, de son nom complet, a ensuite déménagé à Paris dans les années 1980. Elle y a découvert IAM et NTM et s'est mise à la danse hip-hop. Ses parents ont toujours eu en tête de retourner vivre dans leur pays d'origine. Elle a rejoint l'Amérique Latine à 14 ans, juste après le retour de la démocratie. « J'ai suivi mes parents au Chili, la France n'était qu'une étape pour eux. Aujourd'hui, je vis finalement là où je devais naître », raconte la rappeuse, âgée de 40 ans.

Des parents militants

Ana a grandi dans une « ambiance de gauche humaniste ». Les conversations politiques autour de la table ont baigné son enfance et forgé sa façon d'écrire. À 19 ans, elle monte avec trois de ses amis son premier groupe, Mazika. Tous étaient enfants de réfugiés, et sont venus vivre au Chili, sans y être nés. « C'est le groupe qui m'a fait grandir », se rappelle-t-elle.

anita tijoux.jpgElle a également participé en 2001, à l'album en hommage à Violeta Para, intitulé Después de vivir un siglo (Après avoir vécu un siècle). Cette chanteuse célèbre, a révolutionné la musique traditionnelle de son pays. « C'est notre muse. Elle était déjà super hip-hop dans ses compositions », commente-t-elle. La rappeuse s'engage aussi pour la place des femmes dans la société et ne veut pas faire figure d'exception dans le rap : « Le hip-hop est la continuation du système, il y a énormément plus de femmes dans le rap, que celles qui sont connues dans ce milieu machiste. » Elle ajoute enjouée : « C'est un outil de sens critique, dont la nouvelle génération chilienne s'est emparée. »

« Ne jamais nier l'histoire »

En 2007, elle sort son premier album solo, mais c'est deux ans plus tard avec son deuxième album et single, 1977 qu'elle se fait connaître. « C'est ma date de naissance. J'y raconte mon histoire en France, même si ce n'est pas directement autobiographique. Je crois qu'on ne peut jamais nier l'histoire, celle de mes parents réfugiés politiques, celle du Chili, mes amis et mes souvenirs en France... Tout ça a influencé mon énergie et est la source de ma culture », explique la rappeuse qui pose sa voix sur un flow hip-hop des années 1990.

Dans ses chansons, Ana Tijoux aborde les inégalités sociales, le quotidien et s'attaque avec une pointe d'humour à la politique. En 2011, dans son second album, la chanson Shock, soutient un mouvement de protestation étudiant qui dénonçait les conditions des écoles publiques et qui était réprimé par la police. « Non à la constitution pinochétiste ; [...] Au putschiste masqué d'une élite graciée [...] Les rues, ne soyez pas muettes, grandes comme vous êtes ! » peut-on entendre dans cette chanson dont le clip a été relayé par des milliers d'internautes.

Ces deux premiers albums, lui ont valu des nominations aux Grammy Awards. Son dernier album, Vengo, sorti en 2014, lui fait gagner une troisième nomination à ce prix américain. Cette fois-ci, elle mélange les sonorités, toujours en lien avec ses racines. « Pourquoi, alors qu'on a écouté la musique traditionnelle d'Amérique latine toute notre enfance avec nos mères ou nos amis, on n'avait même pas pensé à l'intégrer dans notre musique actuelle. » La rappeuse y a ajouté des rythmes folks et jazz pour un concert détonnant et plein de poésie. Dépaysant et prenant.

Article publié par Ouest France

18:20 | Tags : anita tijoux, chili, rap | Lien permanent | Commentaires (0)